Ces derniers temps, avec la levée de fonds, je repense beaucoup aux galères de trésorerie, à des moments où j’ai vraiment cru que c’était la fin, et puis assez vite dans ma mémoire vive, reviennent des coups d’éclat. J’aimerais vous raconter un souvenir, parce que mon projet « Boss With Me spécial maternité » n’est pas prêt, et c’est un sacré gros morceau. Et puis la semaine prochaine, c’est la fête des mères, l’occasion est trop belle pour ne pas profiter de cette synchronicité en or avec l’actualité.
Ce que je m’apprête à vous raconter est à re-contextualiser, car la période est très importante.
Flashback : novembre 2020.
On vient de passer six mois avec un nouveau mot dans le champ lexical de nos vies : Covid. Si vous êtes entrepreneur·es, vous savez à quel point ce moment a été une période difficile, incertaine, entre parenthèses. Pour ma part, autant côté perso j’ai vécu ma meilleure vie pendant le confinement, en renouant avec ma créativité, autant le pro a été un cauchemar. L’ambivalence de cet enfermement a été raide.
L’inertie est ma bête noire, et accepter que je ne pouvais rien faire à part attendre a été très compliqué.
Fermeture des commerces non essentiels, chômage partiel, arrêt ou non des expéditions des commandes, demandes de prêts garantis par l’État, pénuries de matières premières, inflation délirante sur ces mêmes matières, retards abyssaux de production…
Depuis janvier 2020, chez Make My Lemonade, on navigue en eaux troubles : le directeur général est parti chez Courgette (je vous ai raconté ma saga direction générale dans cette newsletter).
Donc depuis une dizaine de mois, j’ai un organisme intérimaire qui gère mon administratif et mes finances deux jours par semaine.
Mardi 17 novembre 2020, 10h.
Point hebdo avec mon interlocuteur, qui m’annonce qu’il manque soixante mille euros 60 000 € (je vous l’écris aussi en chiffres, c’est plus visuel) pour finir le mois. Pour payer les salaires et les échéances négociées avec les fournisseurs. Le résumé de cet appel c’est grosso modo: il faut que je trouve une idée pour réunir cette somme, inventer cet argent.
Autant vous dire que je me suis sentie comme une poule à qui on demande de pondre un œuf en or. Sauf que je n’avais pas de plumes.
Je n’avais pas l’intention de faire appel à un ami. Demander de l’aide aux associés me semblait complètement délirant, car eux aussi avaient leurs propres galères liées à la conjoncture merdique du moment.
Rétrospectivement, je pense qu’avoir eu cet appel a été la deuxième (et dernière) fois que j’ai cru que j’arrêterais Make My Lemonade. (La première fois, c’était en janvier, post double rupture.)
C’était ok. C’était apparu très simplement dans mon esprit : On n’aura pas survécu au Covid, comme d’autres.
C’était l’excuse parfaite, évidemment. Ce n’était pas du tout parce que j’avais fait l’autruche comme jamais sur les finances, ni parce que j’avais repoussé indéfiniment la recherche d’un soutien à la direction générale, ou que j’avais fui toute confrontation avec mes phobies chiffrées… Bien sûr que non. 🙃
Et comme à d’autres moments dans ma vie, quand j’ai commencé à être séduite par l’idée de capituler, j’ai eu une sorte de niaque de la dernière chance. Un coup d’éclat.
J’en mène pas large.
Je fais un concile de guerre avec Simoné, mon compagnon de toujours, avec qui il m’a toujours été impossible de cacher quoi que ce soit. Il est confiant — je ne sais pas en quoi — mais Simoné, ça a toujours été mon gars sûr. On va trouver.
Sur mon bureau, Maria, ma responsable de la production, a posé il y a quelques jours un prototype à sequins de notre sac banane XL.
J’adore cette chose.
C’est délirant : trop grand, trop brillant, trop tout. J’adore le décalage de la sangle sportswear et des sequins brodés sur ce velours noir mou. Je crois que je convaincs les autres que l’objet est dément, car au début, personne n’est vraiment très partant pour lancer la bête en collection.
« Ça ne marchera jamais »,
« Le zip et les sequins, c’est impossible »,
« Ça va gratter, etc. »
Faites-la quand même, on verra bien.
Un an auparavant, j’avais posté une story de moi avec cette banane XL montée dans un tissu à petits carreaux marrons, et le stock s’était envolé très rapidement. Depuis, nous n’avions pas refait de production de ce sac aux proportions folles, et les demandes au service client étaient régulières quant à son retour.
Je me dis que peut-être, on tient notre idée à 60k.
La banane est à 89 euros.
60 000 / 89 = 674,15
→ Go vendre 675 bananes d’ici la fin du mois.
→ On va faire un preorder.
Un preorder, c’est quoi ?
La précommande, c’est comme réserver sa place pour un concert très attendu… sauf que c’est pour un produit.
On vend la banane en avance, durant une période définie. On stoppe les ventes, on ne fabrique que la quantité commandée, et quelques semaines plus tard — tadaaa — la banane est chez nos clientes.
C’est pas mal car pas de surproduction, c’est très exclusif, et surtout, dans notre cas, c’est un apport en trésorerie immédiat.
(La pratique de la précommande chez nous nous a aussi permis de mieux équilibrer nos productions. En calquant les proportions des tailles commandées pendant les preorders, on a pu ajuster les productions des collections classiques. On a découvert que, sur certaines catégories de produits, nous vendions autant de 34 que de 52, par exemple.)
Nous sommes le 17 du mois.
Le temps d’ajuster nos violons avec les équipes, de s’assurer des stocks de sequins et autres doublures, zips et fournitures, de faire les images, les fiches produits, la com, etc…
On se donne rendez-vous le 20 novembre pour lancer 3 jours de preorder.
Comme je sais que le studio n’est pas méga chaud sur les sequins et sur notre capacité à vendre 675 objets brillants, nous décidons de faire deux autres variations :
une noire en moumoute
une autre à maxi carreaux noirs et blancs, avec un tissu qui nous restait en stock d’une production de trench-coats dans une de nos usines.
Le jour du lancement, je n’ai que 2 bananes sur 3.
Le reste du tissu à carreaux s’est perdu dans un DHL.
On décide donc de couper dans le dos d’un de nos trench pour monter cette dernière version nous-mêmes au studio. Merci Philippine pour ton courage et ton efficacité dans l’urgence.
J’ai fait les photos à l’iPhone, dans mon appart le matin même, drag & dropé les images dans notre Shopify, et puis croisé les doigts pour qu’un miracle se produise d’ici 3 jours.
Deux mille.
2000 bananes.
C’est le nombre de sacs que nous avons vendus pendant ces trois jours.
Avec plus de 1200 unités à sequins.
Donc si aujourd’hui vous êtes heureux·ses propriétaires d’une banane Make My Lemonade, sachez que vous avez aussi le symbole de notre capacité à rebondir.
J’ai une tendresse infinie quand je vous croise avec cet objet brillant. Déjà parce que je suis flattée que vous portiez un de nos produits. Et puis parce que c’est devenu pour moi un post-it scintillant pour ne jamais baisser les bras. Et me souvenir que plus que jamais, le dicton de Make My Lemonade n’a jamais été aussi vrai.
Pour rappel, pour les nouveaux·elles :
Make My Lemonade, ça vient d’une discussion avec ma tante américaine. Je lui racontais que, fraîchement débarquée à Paris, ne connaissant personne, je m’enfermais dans mon appartement pour fabriquer des « belles choses » afin d’éviter de déprimer. Elle m’a dit :
« Oh, you make your lemonade. »
J’avais pas compris au début.
Et un jour, j’ai croisé le dicton :
“When life gives you lemons, make lemonade.”
→ En gros : quand la vie t’envoie des galères (des citrons), transforme ce moment acide en quelque chose de doux et sucré (de la limonade).
Et j’ai trouvé que c’était un principe de vie génial. À appliquer absolument partout.
Moralité de cette histoire de banane :
Ne jamais sous-estimer le pouvoir de l’instinct. Et arrêter de faire l’autruche, car cela m’a mis un bon coup de pied au cul (le derrière, ce n’était pas assez fort) pour mettre les mains dans la finance et entamer une recherche sérieuse d’une personne avec qui m’associer — pour ne plus jamais me retrouver à envisager de capituler.
Moralité bis, parce que je mentirais si je vous disais que je ne tire aucune gloire de ce move un peu badass :
j’espère qu’on ne perdra jamais cette agilité, cette envie d’oser, de se réinventer, et de suivre la petite voix au fond de soi.
Car pour ma part, dans la tourmente, c’est le moment où mon intuition ne chuchote plus, mais me hurle d’agir.
Sinon ces derniers temps il s’est passé pas mal de choses…
Depuis l’envoi de la dernière newsletter, il y a 15 jours on a lancé notre nouveau logo — magnifique — réalisé par le studio Mitsu. On a aussi dévoilé une nouvelle capsule : l’Apéritivo, qu’on a shootée à Marseille… sur un bateau. À toutes les prods de shootings : shooter sur un bateau n’est jamais une bonne idée. Tous les cachets de Mercalm© du monde ne peuvent rien contre l’inéluctable.
C’est aussi J-14 avant la fin de notre levée de fonds. C’est maintenant que tout se joue sur Lita.co, et j’ai besoin de vous. Plutôt que de partir dans une envolée lyrique ici, j’ai préféré vous en parler "de vive voix", en toute transparence, dans une vidéo prise au réveil ce matin pas l’exercice le plus simple pour moi, je l’avoue, mais c’est pour la très bonne cause. C’est le moment de passer à l’action !
Ma fille a dit son premier gros mot en faisant tomber quelque chose : “Crotte de merde.” J’ai trouvé ça génial, mais j’ai dû réprimer mon fou rire, alors que j’avais juste envie de l’embrasser. Donc ne sachant pas quoi faire de ce moment... Je vous le partage.
La semaine prochaine, je dois m’enfermer pour dessiner la collection de janvier 2026. Je suis super excitée à cette idée, parce que je sens que l’inspiration est là. J’ai même fait un exercice génial : j’ai demandé à mes amies proches de m’envoyer un vocal avec leurs envies vestimentaires du moment, et j’ai adoré les écouter. On est un peu toutes en révolution de dressing.
Bref, c’est trépidant…
Je vous embrasse.
Lisa, j'adore, je me jette littéralement sur cette newsletter des qu'elle paraît!! Merci pour ces shoot d'inspiration tellement, mais tellement joyeux !!!💛💛💛💛
Meilleure banane, trop touchée d'entendre son histoire ! Moi aussi j'ai participé sur LITA et j'ai hâte de voir la suite ! Merci Lisa et merci MML